J’écris cet article pour vous rappeler qu’il est très important de rêver ! Mais surtout : de noter précisément ses rêves. Car ce n’est qu’en sachant exactement ce que l’on veut, qu’on peut le manifester.
En septembre dernier, Brandon, Dave et moi avons emménagé dans une petite ferme / communauté intentionnelle près de San Luis Obispo (Californie). Après avoir exploré différentes fermes et communautés aux Etats-Unis, nous avions envie de nous poser quelque part pour voir un jardin évoluer sur les quatre saisons, mais surtout pour prendre racine quelque part et participer à une aventure collective concrète.
Ecrire ses rêves
Pendant ce voyage de reconnaissance, nous avons été volontaires dans toutes sortes de lieux. Nous y passions en général 2 à 3 semaines. Nous avons appris énormément des qualités, de l’inventivité (mais aussi des défauts !) de chacun. A mi-chemin entre un benchmark et un voyage initiatique 🙂
On a commencé un google doc à 4 mains pour noter les différentes idées que nous avions au fil de nos visites. Dans la voiture, entre deux endroits, nous débattions des choses qui seraient à garder pour notre « future communauté », l’endroit où nous nous verrions vivre et travailler. En remplissant très sérieusement ce document, il est devenu l’incarnation de notre « pleam » (un concept développé par Brandon : plan + dream).
Nous avions une vision très claire de ce « pleam » : une petite ferme communautaire près de l’océan avec des animaux, un jardin potager et des arbres fruitiers, où nous pourrions avoir des abeilles, de l’énergie renouvelable et des expérimentations en permaculture. On y inviterait des artistes, organiserait des workshops éducatifs et des projections de films. Tout cela était écrit, et l’est toujours, dans ce document.
Au retour de notre voyage, nous avons envoyé des dizaines d’emails à différentes communautés trouvées sur Intentional Community.org. On a rencontré les propriétaires de ce lieu par skype, échangé quelques mails pour s’entendre sur nos principes de fonctionnement et hop, avons chargé la voiture pour emménager dans un lieu que nous n’avions encore jamais vu !
Nous avions aussi noté que notre future communauté serait un lieu de rencontre et de partage où les gens viennent pour apprendre et échanger, que la pleine conscience et le yoga seraient pratiqués, et que le respect de l’environnement et des vivants serait au coeur du mode de vie collectif.
On a eu la chance incroyable de tomber sur Steve, professeur en religions et infatigable bricoleur / builder / carpenter. Sa compagne, Kayou est historienne pour les State Parks et certifiée en yoga. Tous les deux sont amateurs de bonne bouffe et d’animaux (ils sont végétariens !). Ils nous apprennent à faire du fromage et du vin : qu’ils font sur place avec les raisins de leur petit vignoble (d’ailleurs nous avons fait les vendanges ce matin !) La petite ferme compte 4 chèvres et 25 poules. C’est aussi un lieu de rencontres à l’échelle du voisinage et des villages autour. Les gens s’y retrouvent lors d’évènements pour des soirées pizzas, des projections de films et des débats. On a été tout de suite accueillis à bras grands ouverts.
« Peace, Love, Lavra. » And thank you universe 🙏🏼🌞
Ce lieu est la matérialisation exacte de ce que nous avions rêvé… de manière assez folle. Une anecdote qui n’en n’est pas une : Brandon voulait avoir une salle de yoga / aïkido / méditation qui servent aussi de salle de projection. Je trouvais ça génial, mais peut-être un peu trop ambitieux…
Et pourtant, c’est exactement ce que Steve et Kayou ont fait de leur garage / salle de yoga / salle de conférences et projection. Peu après notre arrivée, nous sommes allés récolter des raisins dans une autre ferme et fait la connaissance de Brian, un fermier passionné d’aïkido, qui nous prête ses tapis et vient partager son amour et son talent pour cet art martial.
Moi, mon rêve le plus fou c’était de trouver une communauté près de l’océan, où je puisse aller en vélo. On est à 30 minutes en pédalant de Grover Beach. Une autre drôle de coïncidence, c’est la présence complètement random de tortues partout à la Lavra : en décoration sur les murs, en sculptures dans le jardin, et même en vraies dans l’étang ! Apparemment toutes ces tortues étaient déjà là quand Steve et Kayou ont acheté la propriété. Elles étaient là avant nous et avant eux… Un signe pas anodin pour nous car Brandon et moi nous sommes rencontrés « grâce aux tortues » à Cabuyal quand nous étions tous les deux volontaires dans un camp de protection.
La belle vie
Pendant plusieurs mois, je me suis réveillée tous les matins en n’en revenant pas d’être là : d’habiter dans ce petit paradis paisible et ensoleillé, entouré de gens géniaux, de plantes et d’animaux, et de nourriture fraîche saine et gratuite. On a pris de nouvelles habitudes, comme la routine du matin : nourrir les poules, récolter les oeufs, traire et nourrir les chèvres, arroser les plantes qui en ont besoin. Ensuite seulement, on prend son ptit dej.
La magie d’avoir un jardin et des animaux, c’est que l’on mange comme des rois à absolument tous les repas. Le travail se transforme en nourriture sans passer par l’argent. Les choses poussent, se récoltent, se donnent et se partagent dans une réelle forme d’abundance. Les récoltes nous réclament d’être créatifs et de trouver quoi faire de toute cette délicieuse production.
Le modèle économique est ce qu’il y a de plus compliqué à trouver pour ce genre de communautés. Il est pourtant essentiel pour que les choses puissent fonctionner sur la durée. Steve et Kayou ont chacun un job à plein temps et donc 2 salaires. Ils louent une partie des habitations à des locataires permanents (en ce moment il y en a 3, dont 2 très nomades), et une autre sur Airbnb le week-end. A terme, ils imaginent que ce lieu puisse devenir un « Farm Stay » où venir s’inspirer et apprendre du mode de vie « homestead écologique ») et sont en train d’investir dans des infrastructures pour pouvoir accueillir des mariages et louer le lieu entier. Pour ceux et celles qui cherchent un mariage à la ferme !
Ce système de rentrées d’argent et d’investissements leur permet de nous accueillir gratuitement en tant que farm managers, et de dédier un budget mensuel aux dépenses pour les animaux et le jardin. En échange de 25h de travail par semaine, nous sommes logés dans la maison principale et ne payons ni loyer ni charges. Nous nous occupons des animaux au quotidien et ils nous laissent une très grande liberté dans l’organisation de notre temps et dans nos idées pour le jardin. Les gens qui habitent dans la communauté se fournissent en oeufs, lait et légumes du jardin. Sur certaines semaines dédiées, nous accueillons des volontaires (« wwoofers ») qui viennent nous porter main forte et apprendre de nouvelles choses. La ferme est aussi une non-profit et peut dans ce cadre accueillir des workshops et recevoir des donations.
En un an seulement, nous avons rencontré une densité de gens incroyables, et avons eu la chance d’être au contact de leurs talents et savoirs uniques. Nos voisins de communauté que je considère maintenant comme ma grande famille : Steve, Kayou, Jnan, Isaac et Doug. Et des amis fantastiques, qui habitent ici et partageant les mêmes rêves de permaculture, agriculture régénératrice et communauté. Des jardiniers, des fermiers, des défenseurs de l’environnement, des entrepreneurs, des créateurs, des éducateurs. La Central Coast est une région encore très préservée et magnifique. Elle abrite une communauté de gens engagés et passionnés. Brandon, Jessica, Rustin, Amélie, Jesse, Rob, Adam, Sophia, Rob, Gary, Erica, Tree, Larry, Steve, Kelpful : i love you ❤
Créer un réseau de “fermes collaboratives”
C’est incroyable de faire l’expérience d’une vie en communauté où chacun donne de son temps (et selon ses talents, car nous n’avons clairement pas tous les mêmes -mais c’est aussi l’occasion d’apprendre des autres) pour faire avancer des projets qui profitent à tous au quotidien !
Mon rêve serait de connecter différentes communautés de ce type sur le principe du time-share. Les membres pourraient voyager, vivre dans d’autres communautés, échanger leur savoir faire, et prendre des vacances tout en faisant du volontariat pour améliorer les lieux.
Le but est de développer une richesse et une abondance de proximité ; au lieu de nourrir une menace de rareté mondialisée.
Il existe toutes sortes de modèles passionnants pour développer l’agriculture de proximité qui protège les écosystèmes et améliore la vie des gens. Certains testent l’idée de “fermes incubateurs”, mettant à disposition des terres pour des initiatives innovantes et écologiques.
Le week-end prochain, nous commençons une formation de 6 mois en PDC (Permaculture Design Class) à Santa Cruz. J’ai hâte de découvrir un autre lieu, de nouvelles personnes et de nouveaux savoirs. Et de continuer à aider et soutenir tous nos amis fermiers, ranchers et producteurs dans leur recherche d’une nouvelle façon de travailler, de vivre et de se nourrir tout en protégeant nos ressources.
… Bref, quand on écrivait ce rêve dans la voiture pendant notre road trip, on n’imaginait pas qu’elle pourrait aussi nous servir à transporter des chèvres. Coucou Anne-So 😉
Ni que nos voisins auraient un bateau à voile sur lequel il nous emmènent pêcher et voir les baleines, nombreuses ici dans la baie.
Cheers à cette première année ici !
❤
Plus
- Trouver des communautés intentionnelles : Intentional Communities
- Collaborative farming : https://farmlandaccess.org/collaborative-farming/
- Article : « The Co-op Farming Model Might Help Save America’s Small Farms »
- Article : « Renewing a Vision for Rural Prosperity »