« Pura vida. Pura vida maé »
Pour ceux et celles qui sont déjà allés au Costa Rica, cette expression est douce à l’oreille. C’est une phrase incontournable, absolument tout le monde la prononce à longueur de journée. Cela veut dire littéralement « pure vie mon pote, gros kiffe. La vie est belle, peace, pas besoin de s’inquiéter. »
Les Ticos et les Ticas emploient « pura vida » comme une salutation, comme une exclamation ou comme une réponse au classique « comment ça va? » C’est dire qu’ils le disent souvent dans une journée ! Bien qu’elle soit utilisée de façon quotidienne et machinale -voire bouche-trou, cette expression est aussi une affirmation plus profonde et philosophique. La belle vie est ici un art national.
Pour moi clairement cela voulait dire : « la vie est belle puisque la plage n’est pas loin. »
Le plus important pour les Costa Ricains c’est leur famille, leurs amis et les petits plaisirs de la vie, parmi eux la plage ! Autant dire que je me suis sentie vite très proche de cette culture. J’ai toujours pensé que la plage était le meilleur des espaces publics et qu’elle manquait clairement en ville… A la plage tous les usages sont permis. On peut se baigner, se reposer, jouer, manger, lire, travailler, sociabiliser. Elle est gratuite et ouverte à tous les âges. Elle libère les corps de leurs uniformes et nous connecte de façon intrinsèque aux éléments naturels, sable vagues embruns lumière.
Playa Hermosa, Guanacaste
Pura vida. J’ai eu bien souvent ces mots en tête quand j’allais sur la plage, courir, ramasser des coquillages ou contempler un énième coucher de soleil. Mon corps entier résonnait avec cette phrase et cet environnement.
Un mantra, un mode de vie
La pura vida, c’est la paix, la tranquillité et la confiance. Ca frôle parfois le mode « extra zen » de l’existence ! Comme chez ce vieux paysan qui habitait à deux pas de notre camp à Cabuyal. Son stoïcisme m’avait impressionnée. Un incendie faisait rage dans les collines de jungle sèche derrière son jardin. Nous étions très inquiets pour lui car il n’avait pas de voiture, et de notre côté nous avions déjà évacués le camp. Entassés dans notre pick-up nous lui avons proposé de venir avec nous. Sa réponse (qui paraissait même laisser croire qu’il n’avait pas compris la question) : « Pura vida ». Il n’avait pas l’air affolé pour un sous, il regardait le feu en souriant. Il est donc resté tranquillement chez lui et l’incendie est passé. Pendant ce temps, bien moins confiants que lui, nous avions quitté les lieux. Le lendemain quand nous sommes revenus, aucune maison n’avait brûlé. Pura vida.
La « pura vida » est une attitude particulièrement stratégique dans la gestion des situation de crise.
Un soir dans l’auberge où je dormais à Tamarindo, un québécois d’une quarantaine d’années, Hugo, a pété un plomb total. Il était fin saoul et prétendait fumer du crack. N’arrivant pas à le calmer (et lui se penchant de plus en dangereusement au-dessus de la rambarde), les gérants ont fini par appeler la police à contre-coeur. Une fois sur place, les deux agents se sont fait copieusement arroser d’insultes par Hugo en toutes les langes. Il refusait de leur donner son passeport et commençait à devenir violent. Les deux hommes souriaient paisiblement et l’ont peu à peu calmé. Ils sont restés sur place deux heures avant de l’accompagner se coucher dans son lit superposé où ils l’ont bordé (je rêve !) Au moment de partir, sous les yeux ébahis de toute l’auberge qui pensait clairement voir Hugo filer au poste avec eux, ils nous ont salué d’un magnifique « pura vida ».
Playa Hermosa, Guanacaste
Une autre façon de faire société
La répétition de ce mantra, à travers toutes les bouches, déploie une onde énergétique de bienveillance. Cela peut paraître très candide ou trop « think positive » mais…c’est vrai ! L’affirmation du positif attire le positif. Ainsi va la loi de l’attraction et du renforcement positif.
Enoncer cette idée de pura vida, et la souhaiter au moins 10 fois par jour à des amis, comme à de parfaits inconnus, créé une atmosphère toute autre entre les gens. Le résultat? Les gens sont heureux pardi! Bon j’ai aussi une autre théorie là dessus : je pense que la cohabitation pacifique entre les hommes, la nature et les animaux y est pour beaucoup. (J’en dis plus dans cet article)
Le mode de vie des Costa Ricains influence beaucoup leur capacité à faire l’expérience du bonheur. Etre heureux n’est pas une question d’argent (ça on le savait depuis longtemps !), c’est une façon de voir et d’être au monde. Et ici, personne ne possède plus qu’une autre les beautés de la nature, l’océan, les couchers de soleil ou le sable. En ville c’est différent. Les lieux, souvent payants, ne sont pas accessibles à tous, ce qui aboutit à ségréguer les populations.
Cette philosophie quotidienne de la pura vida m’a drastiquement fait remettre en question mon mode de vie, urbain depuis des années plutôt speed frénétique stressé. Je me suis demandée quelle était la vie que je me souhaitais au quotidien: quel endroit, quelles personnes, quelles activités. Je me suis rendue compte que j’avais jusqu’alors toujours adapté mon mode de vie aux exigences de mon travail. Je ne voulais plus choisir mon travail d’abord, mais bien mon mode de vie.
Si aujourd’hui je suis farm manager dans une petite communauté intentionnelle en Californie, c’est parce que manger des légumes que j’ai cultivés, être dehors au soleil la majorité de la journée, découvrir des activités gratuites dans la nature et expérimenter de façon créative avec ce qui m’entoure est la vie que je me souhaite totalement. Une vie où apprécier chaque instant et chaque chose.
Essayez pour voir, et répétez ces mots tout haut : « pura vida. »
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